La violence conjugale, c’est quoi au juste ?

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Au Québec, les infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal représentent un tiers de tous les crimes envers la personne (1). La violence conjugale est une problématique d’ordre social qui s’inscrit dans le continuum des violences faites aux femmes. Les rapports inégalitaires historiques et actuels entre les hommes et les femmes font en sorte que la violence conjugale affecte particulièrement les femmes puisque 80 % des personnes qui en sont victimes sont des femmes (2).

Les différentes formes de violence conjugale (3) :


Nous avons tendance à associer la violence conjugale à la violence physique. Mais c’est bien plus que ça !

La violence psychologique

C’est une série d’attitudes, de comportements et de propos méprisants, dénigrants et humiliants. Le conjoint violent rabaisse sa conjointe, il la dénigre, il l’insulte, il la rejette, il fait en sorte de l’isoler de ses ami·e·s, de sa famille ou de ses collègues, il est jaloux, il culpabilise sa partenaire pour tout, il critique ses croyances, etc. Cette violence s’attaque à l’estime de la victime, à ses capacités ainsi qu’à sa dignité.

« Estime-toi chanceuse de m’avoir. Personne ne voudra de toi. »

« Tu es tellement stupide, je ne comprends pas pourquoi ils t’ont embauchée. »


La violence verbale 

Elle peut se manifester par des insultes, des injures ou des sarcasmes. L’agresseur peut utiliser un ton de voix élevé ou un ton normal et menaçant. Cette violence cause de la peur, de l’insécurité et vise à forcer la victime à se conformer aux exigences de l’agresseur.

« Si tu pars, tu ne reverras plus jamais les enfants ! »

« As-tu vu de quoi tu as l’air ? Tu ne peux pas partir au travail habillée comme ça. »

« Si tu ne changes pas de comportement tout de suite, ça va aller mal. » 


La violence physique 

La plus connue de toutes, la violence physique peut prendre plusieurs formes de brutalité ou de contraintes physiques envers la victime, les enfants, les animaux, les objets, etc. L’agresseur peut frapper la victime, la secouer, la gifler, l’écraser contre le mur, la séquestrer, l’attacher, etc. Cette violence vise à terroriser la femme et peut laisser des séquelles à vie. 

« Mon conjoint m’a craché au visage. »

« Lorsque je devais aller au travail, il me plaquait contre le mur et m’empêchait de sortir de ma propre maison. »

« Lorsqu’il était fâché, il claquait toutes les portes de la maison. »


La violence sexuelle 

Cette violence est plus difficile à cerner et peut être souvent vécue en silence. Le partenaire violent peut forcer la victime à avoir des rapports sexuels non désirés avec lui ou d’autres personnes et en cas de refus, il l’humilie, il l’intimide et il la force. Cette violence détériore l’estime de soi de la victime en la faisant se sentir comme un objet sexuel.

 « Si tu ne veux pas coucher avec moi, j’irai voir ailleurs. »

« Tu couches avec moi et mon ami ou tu vas le regretter. »


La violence économique

Cette violence est utilisée dans le but de dominer la victime par le biais des ressources financières. L’agresseur peut interdire à la femme d’aller travailler. Il gère seul le revenu familial et se donne le pouvoir de donner ou d’enlever de l’argent à sa conjointe quand il le désire. La victime est exploitée sur le plan financier et elle est limitée dans son autonomie.

 « Tu as acheté ce chandail sans ma permission. Tu n’auras plus d’argent pour deux semaines. »

« Je n’ai jamais accès aux comptes. Il gère tout l’argent. »

« Je paye tout, il me dit qu’il va me rembourser à la prochaine paye, mais cela n’arrive jamais. » 


La cyberviolence 

C’est une forme de violence psychologique. L’agresseur utilise différents moyens technologiques pour garder le contrôle sur sa conjointe et la surveiller. Appels ou textos incessants, menaces de publier des vidéos sexuelles sur les médias sociaux, géolocalisation, espionnage en ligne ne sont que quelques-unes des techniques utilisées par les agresseurs. La victime est effrayée et humiliée.

 « Si tu me quittes, je mets la vidéo de nous sur Internet. »

« Quand je t’appelle ou je t’écris, tu me réponds tout de suite ! »

« Il avait mis un GPS sur mon auto. »


Comprendre les diverses formes de violence conjugale dans leur globalité


La violence conjugale est parfois difficile à identifier ; certains actes répétitifs et précis sont plus facilement détectables mais d’autres, au contraire, constituent « des stratégies invisibles telles que les menaces voilées, l’isolement ou les restrictions imposées par l’agresseur (4) »
. C’est ce qu’on appelle le contrôle coercitif.

Le contrôle coercitif se manifeste par différentes stratégies de domination qui permettent aux agresseurs de maintenir l’emprise sur leur conjointe et leurs enfants. Ces manœuvres peuvent être subtiles mais tout aussi dévastatrices, car elles briment la liberté et la dignité des victimes. La personne qui subit du contrôle coercitif est continuellement critiquée, surveillée et soumise à toutes sortes de règles imprévisibles et changeantes. La victime peut se sentir isolée, intimidée et effrayée (5).

La violence conjugale affecte tous les milieux sociaux


Il n’y a pas de profil type, ni de la victime ni de l’agresseur. La violence conjugale peut se manifester dans tous les milieux, quels que soient la sorte de relation amoureuse, l’âge, l’orientation sexuelle, la classe sociale, l’ethnicité, la culture ou la religion.

La violence conjugale est souvent accompagnée d’autres formes de discrimination comme le racisme, l’homophobie, l’âgisme, le capacitisme, la transphobie ou encore le colonialisme. Pour les personnes à la croisée des oppressions, d’autres obstacles se dressent dans le processus de demande d’aide ou dans l’accessibilité aux ressources (6)

(1) MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE. Statistiques 2015 sur les infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal au Québec. [https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/police/publications-et-statistiques/statistiques/violence-conjugale/2015.html] (consulté en juin 2021)

(2) BUREAU DU CORONER. Agir ensemble pour sauver des vies – Premier rapport annuel du Comité d’examen des décès liés à la violence conjugale. Gouvernement du Québec. 2020. [https://www.coroner.gouv.qc.ca/fileadmin/Media/Rapport_annuel_2018-2019_Version_amendee_20201207.pdf]

(3) REGROUPEMENT DES MAISONS POUR FEMMES VICTIMES DE VIOLENCE CONJUGALE. La violence conjugale… c’est quoi au juste ? 2018. [https://maisons-femmes.qc.ca/publications/la-violence-conjugale-cest-quoi-au-juste/]

(4) ISABELLE CÔTÉ, SIMON LAPIERRE. « Pour une intégration du contrôle coercitif dans les pratiques d’intervention en matière de violence conjugale au Québec », Intervention, numéro 153 : 115-125. 2021. [https://revueintervention.org/wp-content/uploads/2021/06/ri_153_2021.2_Cote_Lapierre.pdf]

(5) EVAN STARK. « Une re-présentation des femmes battues : contrôle coercitif et défense de la liberté » dans Violence envers les femmes – Réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation. Sous la direction de Maryse Rinfret-Raynor et collab. Presses de l’Université du Québec. 2014. [https://www.puq.ca/catalogue/livres/violences-envers-les-femmes-2082.html]

(6) MARTA BURCZYCKA. Tendances en matière de violence conjugale autodéclarée au Canada. Statistique Canada. 2014. [https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2016001/article/14303/01-fra.htm]

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