En tant qu’employeur, ai-je l’obligation d’agir ?

7 MIN.

Depuis le 6 octobre 2021, tout employeur doit, sur les lieux de travail, prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection d’une travailleuse ou d’un travailleur exposé·e à une situation de violence physique ou psychologique, dont une situation de violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. 

En inscrivant la violence conjugale dans le champ d’application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le gouvernement du Québec confirme le message que la violence conjugale n’est plus une affaire privée (1).

 

Une nouvelle obligation préventive en matière de violence conjugale 


En matière de santé et de sécurité au travail, les employeurs québécois ont depuis longtemps l’obligation générale de prendre des mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du personnel. Cette obligation s’inscrit dans la
Loi sur la santé et la sécurité du travail : l’employeur doit s’assurer que l’organisation du travail et la manière d’accomplir le travail sont sécuritaires pour le personnel. Il doit aussi établir, corriger et contrôler les risques pour la santé et la sécurité sur le lieu de travail.

Toutefois, cette disposition inscrite dans la loi provinciale ne nommait pas explicitement l’obligation de l’employeur dans les cas de violence conjugale. À l’occasion de la réforme du régime de santé et de sécurité au travail, en 2021, le Québec a intégré une obligation pour l’employeur de protéger les employé·e·s victimes de violence conjugale et familiale dans la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité au travail. L’employeur est tenu de prendre des mesures lorsqu’il sait ou devrait raisonnablement savoir que la travailleuse ou le travailleur est exposé·e à cette violence (2).

Les lieux de travail sont définis dans la Loi comme étant les lieux où la personne doit être présente pour effectuer son travail (3), ce qui comprend notamment les alentours du lieu de travail comme les stationnements réservés et le domicile de la personne lorsqu’elle se trouve en télétravail (4). L’employeur doit également identifier les dangers potentiels et mettre en œuvre des mesures préventives pour assurer la sécurité du personnel (5). Pour respecter cette obligation, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) conseille notamment d’informer et de sensibiliser le personnel à la violence conjugale et de développer des mesures et des outils spécifiques sur cette question (6). Le Regroupement peut vous soutenir dans chacune de ces étapes.

 

Violence conjugale et respect de la vie privée 


En aucun cas, l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de l’employée victime ne donne le droit à l’employeur de la forcer à lui dévoiler sa situation, de s’immiscer dans sa vie privée ou de partager avec l’ensemble du personnel les informations qu’elle lui a transmises.

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée.  (7)»

Les lois en matière de protection des renseignements personnels viennent encadrer ce que les employeurs peuvent collecter comme information, ce qu’ils peuvent inscrire dans un dossier et ce qu’il est possible de communiquer à d’autres personnes. En règle générale, un employeur peut collecter uniquement ce qui est nécessaire, avec le consentement de la personne concernée. Il doit aussi obtenir le consentement de la personne pour partager cette information à un tiers.

Les employeurs peuvent briser la confidentialité seulement s’ils ont un motif raisonnable de croire qu’un risque sérieux de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiables et que la nature de la menace inspire un sentiment d’urgence (8).

L’introduction de la violence conjugale dans la législation sur le travail est une grande étape en soi. Afin que la législation atteigne son but, il est maintenant primordial que les milieux de travail s’impliquent sur ce front et deviennent de véritables alliés dans la lutte contre la violence conjugale, notamment en participant à des ateliers de sensibilisation ou de formation et en mettant en place des mesures et des outils pour prévenir ces violences.

 

Qu’en est-il ailleurs au Canada ?


Depuis une dizaine d’années, la majorité des provinces et des territoires ont modifié leurs législations afin d’intégrer une nouvelle obligation de prévention pour les employeurs en matière de violence conjugale sur les lieux de travail. En 2019, le Code canadien du travail a été modifié et les milieux de travail sous compétence fédérale ont eux aussi l’obligation de protéger leurs employé·e·s contre le harcèlement et la violence, incluant la violence conjugale.

(1) RACHEL COX, MÉLANIE EDERER, « Le traitement de la violence conjugale comme un enjeu de SST au Canada : une étude empirique », Communitas, vol. 1, no 2, 2021. [https://communitas.uqam.ca/la-pluralite-de-normativites-en-matiere-de-sante-et-de-securite-du-travail/]

 (2) Site Internet de la CNESST [https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/organisation/documentation/lois-reglements/modernisation-sst#date] (consulté en ligne le 13 octobre 2021)

(3) Loi sur la santé et la sécurité du travail, chapitre I, art. 1. Gouvernement du Québec. [http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-2.1]

(4) CNESST. Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail en résumé. Gouvernement du Québec. [https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/organisation/documentation/lois-reglements/modernisation-sst#janvier2022]

(5) Loi sur la santé et la sécurité du travail, chapitre II, section II, art. 51. Gouvernement du Québec. [http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/s-2.1]

(6) CNESST. Violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. Gouvernement du Québec. [https://www.cnesst.gouv.qc.ca/fr/prevention-securite/identifier-corriger-risques/liste-informations-prevention/violence-conjugale-familiale-caractere-sexuel]

 (7) Charte des droits et libertés de la personne. Chapitre I, art. 5. Gouvernement du Québec. [http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/c-12#]

(8) Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité. Gouvernement du Québec. 2017.

Cette loi a remplacé la Loi modifiant diverses dispositions législatives eu égard à la divulgation de renseignements confidentiels en vue d’assurer la protection des personnes, adoptée en 2001.

Voir tous les articles ›