Pourquoi une employée pourrait hésiter à parler de sa situation au travail ?

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Comprendre les défis des victimes de violence conjugale

 

La violence conjugale, une réalité complexe, touche de nombreuses personnes, et en grande majorité des femmes, et a d’importantes répercussions sur divers aspects de leur vie. Les conséquences de cette violence s’étendent même jusqu’au milieu professionnel, obligeant parfois les victimes à divulguer leur situation conjugale. Cependant, cette démarche demeure difficile, la victime pouvant hésiter à partager sa réalité au travail par crainte des conséquences qui pourraient en découler. 
 

Les stratégies de contrôle utilisées par l’auteur de violence


Pour comprendre les raisons qui peuvent amener une victime à hésiter avant de partager son vécu, il est crucial d’explorer en premier lieu les stratégies déployées par l’auteur de violence pour affirmer son contrôle sur elle.
Le contrôle coercitif exercé par l’auteur de violence se manifeste à travers un éventail de stratégies insidieuses [1].

 

Quelques manifestations du contrôle coercitif :

  • Surveillance et interrogatoire : l’auteur de violence peut surveiller les déplacements de sa conjointe, lui imposer des règles strictes sur les sorties, l’accompagner partout, ou encore décider avec qui elle peut ou ne peut pas passer du temps.
  • Menaces : les menaces peuvent aller de la promesse de lui faire du mal, de la tuer, de de demander la garde des enfants, de se suicider, de maltraiter leurs animaux, de détruire ou brûler des biens, etc.
  • Détournement cognitif : l’auteur de violence peut user d’insultes et d’agressions verbales puis ensuite accuser la victime de mentir et d’exagérer si elle essaie de confronter ces comportements. Il peut également lui faire du mal pour ensuite lui demander quand elle s’est blessée ou lui faire porter la responsabilité de la violence en lui disant qu’elle le méritait et qu’elle était avertie d’avance.
  • Isolement : très souvent l’auteur de violence isole délibérément sa partenaire de son cercle social et familial, ou encore du milieu de travail. Cela peut inclure le contrôle minutieux des activités, la restriction de l’accès à une voiture ou un téléphone en confisquant les clés, l’espionnage des conversations, la perturbation du suivi médical, le sabotage de l’emploi, etc.
  • Humiliation : l’auteur de violence peut dénigrer les croyances et les capacités de la victime. Il peut la rabaisser en public, critiquer sa façon d’éduquer les enfants ou dénigrer ses capacités intellectuelles.
  • Harcèlement : cela peut prendre la forme de la géolocalisation des déplacements de la victime, de la suivre jusqu’à son lieu de travail, de l’attendre à la fin    de sa journée de travail, d’envoyer des messages incessants, etc. [2].

Pour en savoir plus sur le contrôle coercitif, découvrez notre boîte à outils « Comprendre, repérer et intervenir face au contrôle coercitif »

 

Des conséquences dévastatrices  


Les impacts de la violence conjugale et du contrôle coercitif sont nombreux et persistent souvent au-delà de la séparation. Incapables d’accepter la perte de leur emprise, les auteurs de violence tendent à intensifier leurs actes après la séparation. L’objectif est souvent de poursuivre son contrôle, de se venger, de limiter les droits de la victime. Pour se faire, l’ex-conjoint peut menacer la femme, d’actions juridiques abusives, voire de la menacer de lui retirer la garde des enfants. La période de séparation est connue pour être le moment le plus dangereux pour les victimes de violence conjugale [
3].  

« 67% des homicides survenus en contexte de violence conjugale ont eu lieu alors que le couple était séparé ou en instance de séparation. »
(Comité d’examen des décès dus à la violence familiale (CEDVF), Ontario, 2013-2018)

La victime de violence conjugale endure plusieurs conséquences de ces actes, pendant la relation et, au-delà de la séparation. La peur omniprésente, la perte du sentiment d’individualité, l’impression de devoir en permanence « marcher sur des œufs », la honte et le doute envers ses propres pensées, ses sentiments ou ses opinions ont toutes des conséquences significatives sur la santé mentale et physique de la victime. Les conséquences peuvent être à la fois psychologiques et physiques, créant des symptômes tels que l’anxiété, l’hypervigilance, la dépression, les troubles post-traumatiques, l’insomnie, les migraines, et des traumatismes crânio-cérébraux [4].

 

Pourquoi la victime hésite à en parler au travail?


Les conséquences de la violence conjugale et du contrôle coercitif ne se limitent pas à la sphère personnelle
. Elles se poursuivent au travail, affectant le bien-être et la sécurité de l’employée victime, et forçant éventuellement cette dernière à envisager de divulguer sa situation. Pourtant, il peut être difficile pour une victime de partager son vécu. 

Plusieurs raisons expliquent pourquoi une victime hésite à partager son vécu au travail : 

  • Préoccupations liées à la sécurité : la victime peut craindre que son partenaire ou ex-partenaire violent ne découvre qu’elle a révélé sa situation au travail, ce qui pourrait entraîner des répercussions sur sa sécurité personnelle, celle de ses proches et de ses collègues.
  • Peur des conséquences : la victime s’inquiète de la possibilité que son ex-partenaire découvre son lieu de travail et tente de détruire sa réputation, créant ainsi des problèmes avec l’employeur. Si le partenaire travaille également au sein de la même organisation, cela génère des préoccupations.
  • Tourner la page : il existe une volonté de mettre la situation de violence derrière soi et de refaire sa vie dans un nouveau milieu.
  • Peur de la perte d’emploi : la victime redoute que le dévoilement de sa situation lui fasse perdre son emploi ou limite son avancement.
  • Peur de ne pas être crue : il y a la crainte que les collègues ou les employeurs ne prennent pas au sérieux sa situation, doutant de la véracité de son histoire.
  • Crainte de jugement : la victime redoute d’être jugée, critiquée ou blâmée pour sa situation.
  • Stigmatisation : elle pourrait craindre d’être stigmatisée ou discriminée en raison de sa situation.
  • Honte et culpabilité : la victime peut vivre beaucoup de honte et de culpabilité, ce qui rend difficile le partage de son expérience.
  • Raviver des souffrances : parler de la violence vécue pourrait raviver des souffrances ou des traumatismes, ajoutant une dimension émotionnelle à la réticence de la victime à partager son vécu.

Il est crucial que les milieux de travail respectent le rythme de l’employée victime et la soutiennent selon ses besoins et son rythme. Les employées doivent sentir qu’elles peuvent parler en toute sécurité et trouver un soutien sans craindre les conséquences négatives. Pour favoriser un environnement propice aux divulgations, les milieux de travail peuvent soutenir leurs employé.es en mettant en place des mesures de soutien et d’accommodement et en collaborant avec les ressources spécialisées.  

Vous voulez vous engager, mais vous ne savez pas par où commencer ? 

 

Notes :

  1.  Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), Guide de bonnes pratiques en milieu de travail : soutenir les employées victimes de violence conjugale, 2023.
  2. Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale (RMFVVC), Principales manifestations du contrôle coercitif et exemples associés, 2023. 
  3. SOS violence conjugale. Outils web de SOS violence conjugale. Québec. [https://sosviolenceconjugale.ca/fr/outils] (consulté en juin 2021). 
  4. Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale. La violence conjugale… C’est quoi au juste ? 2018 [https://maisons-femmes.qc.ca/publications/la-violence-conjugale-cest-quoi-au-juste/] 
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