Qu’est-ce que le contrôle coercitif ?

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Dans l’imaginaire collectif, la violence conjugale est souvent assimilée à de la violence physique : des coups, des blessures ou autres formes de sévices. En réalité, la violence physique n’est que la partie visible de l’iceberg. L’analyse du contrôle coercitif permet de prendre en compte le caractère permanent et les multiples formes de la violence conjugale (1).

« Le contrôle coercitif englobe les actes de coercition et de contrôle par l’entremise du recours à la force et/ou de la privation afin que la victime obéisse à son agresseur, éliminant ultimement son sentiment de liberté dans la relation. (2) »

Le contrôle coercitif : une analyse globale des diverses formes de violence conjugale


Le sociologue Evan Stark a défini le contrôle coercitif comme étant diverses tactiques, physiques ou non, utilisées par le conjoint violent pour isoler, dégrader, exploiter et dominer sa partenaire en la privant de liberté (3)
. L’agresseur régule et surveille les activités quotidiennes de sa femme et de ses enfants, et ce contrôle continue de s’exercer même en son absence, installant un climat de terreur permanent dans la vie des victimes (4). L’isolement auquel elles sont confrontées les empêche de révéler ces actes de violence et d’obtenir de l’aide. 

Ces stratégies d’isolement sont aussi employées dans le but d’empêcher les femmes de travailler ou de côtoyer leurs collègues de travail, par exemple. Pour ces diverses raisons, vous devez être alerte face aux différents signes de violence conjugale qui peuvent se manifester sur les lieux de travail et la soutenir en cas de dévoilement.

Quelques exemples de contrôle coercitif 


Les manifestations de violence doivent être considérées dans leur globalité, et non comme des actes isolés ou des incidents précis. Voici quelques exemples de comportements contrôlants et coercitifs : 

  • Des actes de violence : coups, contrainte à des rapports sexuels, séquestration ;
  • De l’intimidation : menaces de se suicider, de partir avec les enfants, de détruire des objets auxquels tient la victime ;
  • Du harcèlement : minutage des activités, surveillance des contacts, fouille des tiroirs ou du sac à main ;
  • Des humiliations : actes dégradants, obligation à voler ; comportements embarrassants lors de réunions de famille ou en présence d’ami·e·s ; 
  • De l’isolement : menaces ou violences envers les membres de la famille, interdiction d’appeler ou de visiter certaines personnes, obligation de choisir entre lui et son réseau, obligation de rester à la maison ;
  • Des privations : de ressources financières, de médicaments ou de soins médicaux ;
  • De l’exploitation : contrôle de l’argent ou obligation de payer toutes les dépenses ;
  • L’imposition de règles : sur la manière de s’habiller, de cuisiner, de prendre soin des enfants (5).


Mise en situation illustrant le concept du contrôle coercitif


Il peut être difficile de détecter les manifestations du contrôle coercitif. De l’extérieur, rien ne peut laisser présager la situation de violence, l’agresseur peut même paraître attentionné et charmant. 

Exemple :

Il était si attentionné au début. Il me disait toujours qu’il croyait en moi et il m’encourageait tout le temps. Mes amies et ma famille l’adoraient. Je ne sais pas à quel moment précis cela a changé. C’est arrivé petit à petit. Au début, c’était avant mon départ au travail. Il me demandait de changer de vêtements, en disant que ce n’était pas approprié. Par la suite, peu importe ce que je portais, il me critiquait et m’accusait d’avoir des amants au travail. Il a commencé à venir fréquemment à mon travail. Parfois, il m’apportait un café, parfois un lunch. Mes collègues le trouvaient si attentionné. Ils ne savaient pas qu’il faisait tout cela pour me surveiller. Il s’est mis à surveiller mes courriels, mes appels, mes déplacements. J’avais honte de dire à mes collègues ce qui se passait… J’ai fini par quitter mon travail. Je ne savais plus qui j’étais (6).

Le contrôle coercitif ne cesse pas à la séparation


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les actes de violence ne s’arrêtent pas nécessairement au moment de la rupture. Dans de nombreux cas, l’agresseur n’accepte pas la séparation, car il perd l’emprise qu’il avait sur sa victime. Lorsque la victime tente de s’affranchir du contrôle coercitif exercé par son ex-conjoint, il est fréquent que la violence se poursuive ou s’intensifie : les insultes, les menaces, le harcèlement et la surveillance peuvent continuer bien au-delà de la séparation.

C’est pour ces raisons que la rupture est souvent le moment le plus dangereux pour les femmes victimes de violence conjugale. Des données canadiennes démontrent qu’un grand nombre de féminicides se produisent au moment de la séparation ou après (7).

Dans un contexte de violence conjugale, il ne faut jamais forcer la personne à quitter le partenaire violent. Il est important de la soutenir dans ses choix. Encouragez-la à appeler une maison d’aide et d’hébergement qui pourra l’aider à prévoir des scénarios de protection pour elle et ses enfants.

(1)  EVAN STARK. « Une re-présentation des femmes battues : contrôle coercitif et défense de la liberté » dans Violence envers les femmes – Réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation. Sous la direction de Maryse Rinfret-Raynor et collab. Presses de l’Université du Québec. 2014. [https://www.puq.ca/catalogue/livres/violences-envers-les-femmes-2082.html]

(2)  EVAN STARK. « Une re-présentation des femmes battues : contrôle coercitif et défense de la liberté » dans Violence envers les femmes – Réalités complexes et nouveaux enjeux dans un monde en transformation. Sous la direction de Maryse Rinfret-Raynor et collab. Presses de l’Université du Québec. 2014. [https://www.puq.ca/catalogue/livres/violences-envers-les-femmes-2082.html]

(3) EVAN STARK, op. cit.

(4) Ibid.

(5)  REFUGE POUR LES FEMMES DE L’OUEST DE L’ÎLE. Outils complémentaires au guide d’accompagnement. 2020.

(6) SCOTTISH WOMEN’S AID. Hidden in plain sight-coercive control. 2019. [https://www.youtube.com/watch?v=36mQFefBylM]

(7)  MARTA BURCZYCKA. Tendances en matière de violence conjugale autodéclarée au Canada. Statistique Canada. 2014. [https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/85-002-x/2016001/article/14303/01-fra.htm]

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